RÉVOLUTION
ET MOUVEMENT SOCIAL
Archive d'Alarme N°12
Juin 1981
Lorsqu'on se réclame
du socialisme scientifique, cela implique qu'on doit à partir de la situation
objective présente, déduire les tâches révolutionnaires concrètes du
prolétariat
Or examinions cette
situation objective, nous remarquons que le capitalisme n’a plus aucune raison
d'être, qu’il est totalement réactionnaire; en effet pour les
révolutionnaires, le seul critère de progrès d'une société d'exploitation
de l'homme par l’homme, ne peut être que la construction des conditions
objectives permettant son dépassement révolutionnaire, et la construction
rapide d'une société progressive. C'est à dire qu'une telle société n’est
progressive que lorsqu’elle construit ces conditions objectives, mais existant
encore une fois ces conditions crées, elle devient réactionnaire. Dans le cas
qui nous intéresse: le capitalisme, les conditions objectives sont donc, un
monde unit par les rapports capitalistes dans lequel le prolétariat est une
force internationale potentiellement puissante et capable de détruire le capitalisme;
et des forces productives suffisamment développées, le monde est unit depuis le
début du siècle, et le prolétariat a prouvé sa capacité à abattre le
capitalisme et à construire le communisme, par la vague
révolutionnaire de 1917-1937. Les conditions objectives sont présentes depuis
le début du siècle, et donc depuis lors ce système est en décadence.
Sur cette base le
prolétariat a des tâches précises à réaliser, l'économie capitaliste étant
totalement réactionnaire, le capitalisme en tant que système social étant
totalement caduc, la révolution, Maintenant seule à l'ordre du jour, devra
directement s'attaquer aux bases économiques de ce système. Or ne pas donner
les tâches concrètes du prolétariat à notre époque, parler de révolution et de
généralisation des luttes, ne suffit pas.
Le communisme ne
tombe pas du ciel, le mouvement qui y mènera, devra passer sur le corps de tous
les problèmes que rencontre le prolétariat face au capitalisme. Il devra donc
saisir toutes les données, toutes les possibilités de la situation objective,
et les exploiter à fond. Il en découle des tâches de notre époque. Alors ou est
le matérialisme si l'on s'arrête à la généralisation des luttes, élections des
délégués (hors du syndicat bien sur) révocables à tout instant...Si au lieu de
se battre pour donner un contenu de classe aux luttes, avec des tâches précises
à réaliser, on se concentre sur les formes de luttes.
Les socialistes
utopiques n'étalent pas utopiques parce qu’ils imaginaient une société qui ne
correspondait pas au communisme, ils étaient utopiques car leurs idées
n'étaient pas basées sur la réalité objective. Ne cherchant pas à savoir quelle
est la force capable de renverser le capitalisme et de construire une société
humaine, ils pouvaient encore moins élaborer des tâches basées sur la réalité
concrète, que cette force aurait dît faire sienne. Autrement dit, aujourd’hui,
il ne suffit pas pour être matérialiste de lutter pour une société qui soit
celle pour laquelle ont lutté les premiers socialistes scientifiques, il faut
lutter pour des réalisations concrète du prolétariat en lutte, et qui de plus
ne soient pas en deçà, mais correspondent aux possibilités et nécessités que le
capitalisme à fait mûrir.
Non, il ne s'agit pas
d'affirmer que c'est le prolétariat qui trouvera lui même ses revendications,
et que de proposer et de se battre pour des revendications précises serait, de
la part des révolutionnaires, vouloir enfermer le mouvement dans un schéma (n’y
aurait-il pas alors pas schéma dans: "conseils ouvriers" ou
"délégués révocables à tout instant" et dans ce cas pour éviter les
schémas: attendre et se taire, mais alors à quoi ça sert d'être
révolutionnaire.)
En effet, al nous sommes
d'accord sur la fait que les révolutionnaires font partie du prolétariat, il
faut alors considérer toutes les implications de cette affirmation. En tant que
frange la plus consciente du prolétariat, les révolutionnaires sont conscients
non seulement de l'objectif à atteindre, mais aussi des moyens qui y mènent,
c'est à dire du mouvement que prendra sa pleine amplitude n'aura la puissance
nécessaire qu'avec les revendications correspondant aux possibilités
historiques. D'où l'importance des révolutionnaires dans la luttes pour
impulsée un combat pour les tâches de notre époque. Ceux qui parlent de
mouvement sans parler des réalisations concrètes que le mouvement
révolutionnaire devra effectuer, au risque de se détruire en tant que mouvement
révolutionnaire, limitent leur intervention à un slogan "Abolition du
salariat", vidé en grande partie de son contenu.
Ouvrons ici une
parenthèse.
Sur les tâches de
notre époque apportons de plus quelques précisions. Si la conscience
révolutionnaire n’apparaît pas brusquement comme conscience
révolutionnaire nette dans la majorité de la classe, nous rejetons aussi tout
gradualisme dans la formation de cette conscience car, l'accumulation et la
centralisation élargie du capital redoublent, proportionnellement à elles
mêmes, la dépendance matérielle et culturelle du prolétariat. Et de ce fait, la
conscience révolutionnaire se développera, progressera par bond, à de larges
franges de la classe, que lorsque le prolétariat en mouvement s'attaquera à
cette accumulation, pour en finir avec elle. Et c'est donc dans cette optique,
qu'il faut comprendre les tâches de notre époque; et non pas comme un
gradualisme qui permettrait une formation "scientifique de la
conscience". En effet si nous rejetons le gradualisme dans la formation de
cette dernière, nous rejetons aussi la formation “scientifique" de la
conscience. Car sinon le facteur subjectif, sans lequel jamais le prolétariat
ne pourrait s'affirmer en fait, serait réduit au néant au profit du seul
facteur objectif, nécessaire mais non suffisant. En effet .nous nous réclamons
du socialisme scientifique, et donc nous savons que le moteur de l'histoire est
la lutte de classe; en conséquence, nous ne pouvons que rejeter une formation
"scientifique" de la conscience car la dernière classe de l'histoire,
en développant radicalement cette lutte, deviendra sujet de l'histoire; et donc
sa conscience loin d'être le résultat d'une réaction chimique inéluctable, se
développera sur les ailes de la subjectivité révolutionnaire.
Refermons ici cette
parenthèse.
Pire si loin do
spécifier les tâches révolutionnaires concrètes de la classe, sont repoussées
catégoriquement les tâches liées au fait que les conditions objectives sont
mures. "Et donc que le capitalisme en tant que système social économique,
et pas seulement politique, n'a plus aucune raison d'être. Et cela sous le
prétexte que le communisme n'est pas possible dans un seul pays" Bien sur,
que cette phrase est vraie, elle veut dire que le communisme ne sera réalisé
que lorsque les classes auront été détruites, que lorsque l'exploitation de
l'homme pari*homme aura disparue et donc que lorsque les unités d'exploitation
que sont les nations auront été détruites. Et cela parce qu’aujourd’hui
communisme et capitalises sont, des systèmes totalement antagoniques qui ne
peuvent donc pleinement se réaliser, qu'en ayant radicalement détruit le
système opposé.
Ceci étant dit, ce
sera un mouvement, et pas un décret qui fera passer la société de l'état
capitaliste, à l'état d'équilibre stable: le communisme. Ce mouvement passera
par des états totalement instables; "Dans aucune révolution on ne peut
observer «le juste milieu", car sa loi naturelle exige une décision rapide
« de deux choses l'une: ou bien la locomotive escalade la cote historique à
toute vapeur, ou bien, entraînée par son propre poids, elle redescend la pente
jusqu'au point d'où elle était partie entraînant avec elle
dans l’abîme tous ceux qui tenteraient, à l'aide de leurs
faibles forces, de la retenir à mi chemin. (Rosa Luxembourg, dans «la
révolution russe").
Cette côte historique sera
escaladée à toute vapeur, que si le prolétariat lutte pour des revendications
qui correspondent exactement aux possibilités et nécessités historiques. Les
états instables seront caractérisés par l'irruption violente, du prolétariat,
dans tous les domaines: social et politique, qui tentera de réorganiser la
société suivant ses intérêts. Par exemple, pour la révolution Russe, pour
reprendre les termes de la citation, la locomotive s'écrasa en 1921 avec
l'introduction de la N.E.P. qui libéra les relations marchandes et remis au
premier plan la plus-value. Les états instables qui précéderont cette chute,
furent par exemple: communisme de guerre, qui bien que cette révolution
prolétarienne ne fut que politique, et non pas sociale, contenait à l'état de
germe l'attaque de la plus-value, dans la mesure où cette dernier avait perdu
son rôle prépondérant en faveur des rémunérations ouvrières.
Et pour conclure sur
ce dernier sujet: Sous prétexte de ne pas faire le communisme dans un seul
pays, il ne s'agit pas de conserver le capitalisme dans tous les pays.
Construire le communisme dans une seule nation est une impossibilité, car la
nation n'existe qu'en tant qu'unité d'exploitation. Détruire le capitalisme,
c'est à dire, sans attendre la révolution politique internationale, s'attaquer
partout à son système nerveux: la plus-value, s'attaquer au sur travail social
avec l'objectif de se le réapproprier (Voir dans "Pour un second manifeste
communiste", les tâches de notre époque: "Toute augmentation de la
production sa valeur actuellement) qu'elle provienne d'un plus grand rendement
de l'ouvrier ou d'un perfectionnement technique, doit revenir collectivement
aux ouvriers qui en sont les auteurs, en attendant que la classe toute entière
décide de sa répartition, ...), et donc de le faire disparaître en tant que
sur-travail social, est une nécessité historique. En conséquence, le
lieu où éclatera la révolution sociale ne sera pas un pays communiste parmi
d'autre pays, capitalistes eux.
Ce sera l'endroit ou
auront été déracinées les bases du capitalisme, et ou auront surgit les bases
de la production et de la distribution communiste, entouré-- par les nations
capitalistes, unies contre la révolution .Ce sera le lieu qui, ou bien
s'étendra aux principaux pôles industriels, et de là au monde entier, ou
restant isolé par manque de solidarité internationale sera détruit d'une
manière ou d'une autre. Prétendre qu'aucune es sure économique socialiste, ne
peut être appliquée dans un cadre réduit, c'est ne pas avoir compris que le
pouvoir ouvrier n'est pas qu'une simple forme, nais qu'il est essentiellement
un contenu. C’est ne pas avoir compris que le prolétariat ne se mobilise pas en
premier lieu pour prendre le pouvoir, mais pour lutter contre sa situation
d'exploité; et que ce pouvoir, il en a besoin pour en finir avec elle c'est un
moyen, et non un but. Si l'on affirme que le prolétariat, par la révolution,
s'affirme en tant que sujet de l'histoire, c'est à dire
d'une manière consciente, on affirme par là même que ce dernier
va combattre tous les rapports de la société qui l’exploite. Sans
quoi il restera objet soumis à l'exploitation qui ne peut être qu'extérieure à
lui, il ne serait qu'un sujet décapité et donc facilement malléable. Car
n'oublions pas que ce sont les rapports de production, qui déterminent les
relations sociales, et non l'inverse.