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TAPIS DE BOMBES, DE PRIÈRES, DE DOLLARS...A GENOUX !

HORS SÉRIE Novembre 2001
TAPIS DE BOMBES, DE PRIÈRES, DE DOLLARS...
A GENOUX!

Depuis le 11 septembre… le monde est resté le même. Certes les USA sont entrés en guerre, après avoir été frappés sur leur sol continental pour la première fois depuis la guerre de Sécession. Ce n'est pas rien mais le schéma mis en place depuis une quinzaine d'années n'a pas été bouleversé pour autant. Bien au contraire on retrouve dans ce bombardement de New York des éléments présents lors de la dernière crise militaire impliquant les Etats-Unis. Lors de la guerre du Golfe, il s'agissait déjà d'un ancien allié retourné contre son maître américain, dans une tentative de se constituer en puissance politique régionale. La menace directe sur les approvisionnements pétroliers avait décidé les Etats européens à engager leur alliance très fermement alors. C’avait été aussi l'occasion pour les Etats-Unis de s'apercevoir qu'ils n'avaient pas vraiment besoin de cette aide et que l'U.E étant politiquement faible, ils étaient seuls en position de leader mondial. La guerre des Balkans n'a pu que les conforter dans cette position et ce sentiment.
Aujourd'hui, agression et agresseur diffèrent quant à la forme mais guère sur le fond. Il s'agit cette fois d'un ancien sicaire, stipendié par la CIA pour ses bienfaits en Afghanistan, et qui a pu monter son propre Etat sans avoir le moins besoin d'une nation pour cela. Il suffit d'une (petite) armée dont l'objectif serait de reconstituer un califat, et d'un solide budget approvisionné par différents commerces : BTP à l'origine, armes, drogues et raids boursiers ensuite. Finalement, un mélange de volontarisme religieux et de commerce contemporain : La civilisation. Bien évidemment, cela ressemble à une mauvaise caricature du monde yankee, puritain et négociant, c'est à dire une vision déformée et accentuée où les tenants du monde tel qu'il est se reconnaissent avec dégoût.
Mais revenons à cette idée d'un Etat sans nation ou du moins avec une nation dite musulmane, plus vaste et unifiée par la religion. Au départ, rien que de très classique : Une bande d'hommes en armes et un chaman ont fondé plus d'Etats que les thuriféraires de l'umma (note1) n'en ont jamais rêvé. Les prétentions à la création d'un nouvel Etat, à l'unification d'une nation, sont identiques à celles des luttes de libération nationale, et aux différents mythes qui l'ont accompagné. On peut citer l'idée d'un Tiers Monde, d'une troisième voie, des non-alignés, d'une nation arabe, et autres fariboles qui en leur temps exercèrent la même attraction qu'aujourd'hui le miroir aux alouettes de la nation palestinienne, dont Ben Laden sait s'emparer avec maestria, surfant sur la vague de popularité du keffieh comme d'autres en leur temps sur celle du cigare et du béret castro-guévaristes.
L'échec lamentable des luttes de libération nationale a été dénoncé dès le début du XXe siècle par certains révolutionnaires, à la fois comme échec en soi mais aussi comme échec pour le prolétariat en cas de participation à ce combat d'une autre classe. Puis après la seconde guerre mondiale, tandis que s'affrontaient les deux grands blocs capitalistes, le russe et l'américain, pour la domination du monde, ces luttes dites de libération nationale se sont déconsidérées en tant que telles, soit qu'elles ne pouvaient soustraire les pays en cause à la domination d'un bloc sans les soumettre à l'autre, soit qu'elles étaient directement fomentées depuis Washington ou Moscou.
L'idée de Nation agite encore quelques petits Etats et groupes armés espérant un jour s'hypostasier en Etat, mais elle n'arrache plus d'élan d'enthousiasme général. Aussi la forme terroriste s'est-elle imposée d'elle-même, à la fois dans le sens où aucun Etat ne peut se constituer ni perdurer sans exercer de terreur, et dans celui désignant des petits groupes armés prêts à tout pour faire mal à l'ennemi qu'ils se sont donnés.
Le caractère traditionnel de cette armée de candidats au suicide repose à la fois sur la tradition des « haschischins » (note2) pour les plus qualifiés d'entre eux et sur le recrutement de pauvres hères servant de chair à canon bien entraînée pour la piétaille. Différentes actions et illusions non narcotiques sont cependant nécessaires pour obtenir ce résultat, y compris l'achat pur et simple des vies, comme les mouvements islamistes ont pu le faire en Palestine, achetant aux familles un de leurs fils, vendu comme ailleurs on vend parfois son enfant comme esclave. L'enrobage de bondieuseries de change rien à ce commerce. On a souvent comparé ces condamnés à mort volontaires aux kamikazes du Japon. La comparaison s'est encore renforcée car l'attentat aux avions évoquait l'attaque sur Pearl Harbour. Toutefois on peut aussi comparer les deux types de kamikazes en ajoutant que parmi les aviateurs japonais de la fin de la guerre, il n'y avait pas que des volontaires (leurs lettres en font foi) et que l'obligation de sacrifice, malgré le discours patriotique ou religieux, n'a jamais semblé évidente à la plupart des condamnés. Les poilus de 1914-1918 en ont aussi témoigné.
Une fois encore, la recette n'est pas originale : morbidité de la religion, identification héroïque (ou messianique), identification politique, tout est bon pour décider des illuminés à sauter au paradis. Enfin, l'utilisation de pions sacrifiables dès l'abord relève de la stratégie de raids mise en œuvre aussi dans le domaine financier, avec le même cynisme chez Ben Laden que chez ses collègues et adversaires. Rien de tel qu'une OPA inamicale pour déclencher la ruine et la mort,  et pire encore, quand les intérêts de compagnies pétrolières, minières et d'armement sont en jeu, la sauvagerie de l'économie capitaliste peut atteindre le génocide, comme ce fut le cas au Rwanda accusant entre autres Elf, l'Etat capitaliste français et le Crédit Lyonnais, fourbisseur de machettes à l'occasion (bilan : 1 million de morts).
Parler de guerre serait-il exagéré ? Certes non, au vu du nombre de victimes, de la brutalité des attaques, de l'ampleur de la riposte. Mais après de nombreuses expériences plus ou moins réussies, les tenants (possédants et partisans) de ce monde ont bien appris que l'on gagne une guerre d'abord à l'arrière : Production et soumission en sont les deux mamelles On peut affirmer qu'il s'agit bien d'une situation de guerre au vu des manipulations diverses des deux camps, et surtout, de leur empressement respectif et insistant à exiger l'abnégation des prolétaires, leur soumission à l'ordre productif. Il est notable que même s'ils ne produisent rien, ils sont appelés à respecter la production et ses règles de caserne. Qu'ils respectent et partagent chacun dans leur coin l'illusion de consommer massivement, alors que ce qui est réellement massif est leur déplacement en masse au supermarché pour satisfaire des besoins uniformes, et on leur promet qu'ils mourront de bonheur, pour le bien de la patrie ; qu'ils ne consomment rien et on leur promet qu'ils mourront de bonne heure, pour le bien de la patrie, c'est le choix qui leur est laissé.
Au moment où le conflit s'intensifie, où les armes de toutes sortes (explosives, bactériologiques, corps spéciaux, etc.) s'aiguisent, il ne reste toujours qu'une seule et même alternative à la boucherie : Refuser d'y participer, dans le but de la transformer en conflit contre nos propres oppresseurs. C'est bien d'abord le refus de produire, le souci de distribuer ce qui a déjà été produit et de réorganiser l'ensemble de la production, selon les besoins de ceux qui l'effectuent, qui peut arrêter cette civilisation. C'est le souci de bloquer les boute-feux, de renvoyer, et rudement, les religieux à leur diable, d'affirmer la solidarité d'action et de moyens avec les prolétaires de tous pays contre nos exploiteurs communs, c'est ce souci là qui doit nous animer.
A chaque conflit, on voit se confirmer que la guerre s'alimente d'elle-même, qu'elle garantit aux Etats les moyens de prolonger leur existence, au moins comme belligérants comme en Palestine-Israël, qu'elle profite à ceux qui l'attisent et qu'elle nuit à ceux qui produisent ou qui bien sûr, la subissent de plein fouet. A chaque conflit, c'est notre classe qui est agressée, par le sang versé mais aussi par la sueur laissée, la mentalité soumise et l'indépendance d'action bafouée.
Demander la paix semble honnête mais n'est au mieux qu'une erreur car la paix, qui soulage évidemment ceux qui sont sous les bombes, amène un surcroît de misère, de rancœurs, de divisions et d'abrutissement religieux parmi les plus opprimés. Il ne s'agit pas de dire que la paix est pire (ce qui serait un contresens) mais qu'elle n'est en aucun cas une solution, qu'elle est simplement le droit du vainqueur ou du tyranneau local à pressurer encore plus ceux qui sont réduits à servir le capital sous sa botte. La paix n'est pas une libération, elle est juste une possibilité de survie à laquelle s'accrochent ceux qui n'ont plus que cela. Elle ne peut en soi être désirable, car il ne peut y avoir de paix qu'une fois débarrassés de nos suceurs de sang, religieux ou militaires, et des rapports de production qu'ils défendent.
PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS UNISSONS-NOUS,
SUPPRIMONS LES ARMÉES, LES POLICES, LES FRONTIÈRES,
LA PRODUCTION DE GUERRE, LE TRAVAIL SALARIÉ !

(1) Dans l'Islam ce terme désigne la communauté des croyants. 
(2) La secte des haschischins fut fondée par Hassan As Sabah au XIe siècle pour résister aux croisés et punir les dirigeants décrétés mauvais musulmans. Les futures victimes étaient rançonnées au préalable ou pillées ensuite, ce qui permit d'accumuler un trésor de guerre (sainte, il va sans dire). Les adeptes étaient copieusement drogués au haschich, des mises en scènes et un endoctrinement constant leur donnaient des visions du paradis et exaltaient leur sacrifice. Désignés pour commettre des assassinats politiques (d'où le mot « assassin ») où ils pouvaient souvent trouver la mort eux-mêmes, ils obéissaient aux différents « vieux de la montagne », surnom de leurs chefs successifs, même lorsque ceux-ci firent ondoyer leur ligne politique au mieux de leurs intérêts. L'un de ces chefs insinua à plusieurs reprises que son action fondait un nouveau califat. La secte fit régner la terreur pendant environ deux siècles dans la zone comprise actuellement entre le Liban, la Syrie, la Palestine et Israël, avec une forte influence jusqu'en Iran. Elle fut rarement populaire, seulement lorsqu'elle s'en prenait aux croisés (ce qui ne fut pas toujours le cas, loin s'en faut) mais c'est le souvenir qu'elle a laissé dans la mythologie moyen-orientale. 



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