"
Les ouvriers ne sont des
hommes que tant qu'ils ressentent de la colère contre la classe dominante. Ils deviennent des bêtes dès qu'ils
s'accommodent de leur joug, ne cherchant qu'à rendre agréable leur vie sous le
joug sans chercher à briser
celui-ci."
F.Engels (La situation de la classe laborieuse en Angleterre.1844-45)
Le prolétariat quand il
ne réagit pas n'est que la force grâce à laquelle le capitalisme se reproduit
profitant de l'apathie générale de son ennemi historique. La classe ouvrière
n'est alors qu'un conglomérat de gens amorphes qui se débrouillent tant bien
que mal pour survivre dans une société invivable, reproduisant l'esprit de
concurrence, d'inimitié, et l'esprit malsain du capitalisme. En un mot, il
n'agit pas en classe ayant des intérêts communs face à la vermine capitaliste.
A d'autres moments par contre, le
prolétariat agit uni en tant que classe porteuse du seul devenir humain
possible: le communisme. Alors peuvent s'affronter deux types de sociétés,
l'une réactionnaire, l'autre révolutionnaire. Entre ces deux états de fait et
ces faits eux-mêmes il y a des individus qui sont révolutionnaires
indépendamment de l'état momentané où se trouve la classe dans son ensemble. Seul
leur nombre varie suivant- la situation sociale. Ils sont révolutionnaires
parce qu’ils sont conscients du fait que leur but et celui de la classe dans
son ensemble c'est le communisme.
Ces individus révolutionnaires tendent à
s'organiser par affinité d'idées, idées qui ne tombent pas du ciel mais qui
proviennent d'une interprétation particulière de l'histoire de la lutte des
classes. De chaque affrontement prolétariat-capital, des leçons sont tirées, c'est
de là que nait la théorie révolutionnaire et ce qui la fait évoluer. Elle n'est
donc et ne peut être invariante, comme certains crétins le croient, étalant
sans cesse des textes sacrés qui bien évidemment ne peuvent exister. Mais
quelle est et quel doit être l'attitude des révolutionnaires par rapport à
l'ensemble du prolétariat dont il n'est qu'une partie souvent infime?
Pour la grande majorité des groupes il s'agit
en fait de choyer le prolétariat, leur commentaire journalistique n'ayant rien
à envier à celui des commentateurs des matchs de football, surtout lorsqu'ils
croient que leur équipe domine. Nous ne parlerons pas ici, critique trop
facile, de ceux qui se disent conseillistes, puisque leur attitude n'est que le
récit plus ou moins optimiste de ce qui se passe, intervenir serait devenir un
grand et méchant dirigeant. Bref passons.
Choyer le
prolétariat, c'est également, ne pas agir lorsqu'il ne se manifeste pas et de
se contenter, puisqu'on ne peut directement influencer celui-ci, de maintenir
en cercle d'intimes initiés l'imminente et religieuse idée de la révolution
communiste. C'est le moment idéal, presque rêvé, pour que la fraction la plus
décidée (on ne voit vraiment pas en quoi!) tire le bilan du passé, comprenne
presque mathématiquement le moment où le prolétariat sera à nouveau amené à
sortir ses griffes, et donc attende que la période contre-révolutionnaire se
transforme en son contraire. Voilà ce que ces groupes ont compris de la méthode
scientifique et du matérialisme historique... Cette compréhension en fait des
"machines de la révolution" et donc des êtres dénués de toute
sensibilité humaine. Ils devraient vraiment relire ce en quoi Marx et Engels
critiquaient les utopiques.
Ce n'était certes pas
dans ce qu'ils avaient de profondément humain et dans leur volonté de changer
les rapports sociaux. Ce que les socialistes scientifiques ont compris et mis
en évidence ce sont les forces motrices de l'histoire et par conséquent le
prolétariat comme seule force capable de détruire à jamais toute société basée
sur la division de classe. Leur conception n'était donc plus basée sur des
idéaux provenant d'une volonté saine et louable mais au contraire basée sur la
réalité. Le communisme est possible parceque le prolétariat existe en tant que
classe et seul celui-ci est porteur du devenir humain, car en se niant en tant
que classe il détruira toute possibilité de domination de l'homme par l'homme.
Prenons un exemple
précis d'anéantissement total du prolétariat. La guerre impérialiste, moment où
chaque prolétariat national se laisse embrigader derrière un torchon aux
couleurs nationales. Les révolutionnaires doivent-ils brandir le drapeau de
l'internationalisme prolétarien (transformation de la guerre impérialiste en
révolution sociale) au risque d'être exterminés, ou bien se retrancher
dans des" lieux sacrés pour tirer le bilan du passé et pouvoir ainsi
reconstruire le futur parti prolétarien défendant par principe le défaitisme
révolutionnaire sauvé, car écrit sur des bouts de papier dérisoires que l'on
exhibera plus tard grâce aux collections personnelles précieusement conservées
durant la période de guerre?
Messieurs les "révolutionnaires" il faut
choisir. Le défaitisme révolutionnaire ainsi que la relation classe dans son
ensemble/fractions plus conscientes de cette classe, ne sont pas des leçons
apprises que l'on étale après coup, ce sont des actes. Il n'y a pas de cadres à
sauver au nom de la future victoire de la révolution. On peut se passer d'eux,
surtout lorsqu'ils ne servent qu'à jacasser. Curieuse coïncidence, ces groupes
sont généralement ceux qui tremblent d'indignation lorsqu'on ose critiquer la
non combativité ou les faiblesses du prolétariat. Nous y reviendrons un peu
plus loin.
Prenons maintenant,
une période comme celle que nous vivons aujourd'hui, et plus particulièrement
pour alléger notre exposé, des événements comme ceux du Nord et de la Lorraine.
Au moment de ces événements, comme toujours il y a plus ou moins
d'organisations sur la "scène politique". Nous ne parlerons
naturellement pas de celles (plus connues!) qui en fait se situent sur le
terrain du capital et donc contre les ouvriers (syndicats, P"C",
P"S", extrême gauche), mais de celles que les précédentes taxent de
fascistes ou d'ultra-gauche bien que pour notre part nous ne revendiquions
aucun de ces deux termes. Ces organisations, en y incluant la nôtre, sont
arrivées sur des positions plus ou moins précises. Ces positions, les leurs
tant qu'elles ne sont pas publiquement remises en causes par ceux qui les
défendent, ne tombent donc pas du ciel et proviennent d'une certaine
interprétation de la lutte du prolétariat de par le passé. Ce à quoi nous
allons nous attacher, c'est à l'attitude de certains groupes par rapport aux
positions qu'ils devraient défendre. Prenons par exemple la question syndicale.
Attaquons immédiatement ceux qui grâce à leurs géniaux
cerveaux ont compris que les syndicats étaient des organisations
contre-révolutionnaires corps et âme voués au capitalisme en général et au
capitalisme d'état en particulier. Mais qui pensent que les révolutionnaires
doivent évoluer au sein des syndicats parceque le prolétariat s'y trouve, tout
en y proclamant que les vrais organes de combats seront les organismes que le prolétariat
adoptera lui-même. Comment des gens dénonçant le syndicat en tant que tel et
non à cause "des mauvais dirigeants" peuvent-ils être tolérés un seul
instant en son sein s'ils maintiennent des positions vraiment antisyndicales?
En fait ils ne font que justifier l'existence de ces organisées en y militant.
De deux choses l'une, ou bien ils y militent pour transformer les syndicats de
l'intérieur pour le pousser à aller plus loin, et ils ne comprennent pas ce
qu'est la contre-révolution, ou alors ils adoptent la position suivante: sors
du syndicat moi je reste pour en faire sortir d'autres. Encore une fois, l'ouvriérisme
triomphe. Réduisant à néant leur "activité". On ne peut être à la
fois chat et souris, d'autant plus que le chat à tendance à bouffer la souris. Notre attitude en tant qu'individus
révolutionnaires, ainsi que notre attitude en tant qu'organisation, sera de dénoncer et d'attaquer
partout les syndicats en y incluant les gens qui les critiquent mais qui en
réalité aident à les faire vivre.
Les syndicats en tant qu'organes
capitalistes n'échappent pas à la règle du capitalisme en général. Ils savent
céder face au danger pour mieux anéantir tout mouvement authentiquement
prolétarien. Ceux qui militent dans les syndicats ne peuvent donc qu'être
dénoncés et combattus .Prenons maintenant le cas de ceux qui considérant les
syndicats comme contre-révolutionnaires n'y militent pas mais appuient
certaines de leurs manifestations, comme ce fut le cas de "Révolution
Internationale" le 23 Mars à Paris. En fait, cette attitude ne diffère pas
beaucoup de la précédente. Encore une fois, ouvriérisme oblige! Là où les
ouvriers se trouvent, ils y vont en criant victoire, les uns par principe, les
autres par une analyse plus "poussée" de la période actuelle:
remontée des luttes, cours vers la révolution. Il faut non seulement y aller,
mais appeler les ouvriers à se joindre au cortège syndical. Non et non!
Être une fraction plus consciente et décidée, c'est défendre des
positions nettes et précises sans équivoque possible. C'est une chose qui se
démontre dans les faits au risque d'aller contre le courant. Lorsqu'on connait
la nature et la façon d'agir des syndicats on ne peut en aucun cas les
cautionner même si l'on croit que forcés par une poussée des luttes ceux-ci
prennent le train en marche. Les idées révolutionnaires, encore une fois ne
tombent pas du ciel, elles sont le fruit de l'expérience de la lutte des
classes, et on ne va pas passer notre temps à refaire ces expériences. Ce n'est
pas parceque la classe dans son ensemble n'a pas compris la nature totalement
réactionnaire de certaines organisations que l'on doit appeler à manifester
derrière elles ou avec elles en espérant que les ouvriers les débordent. Ce
n'est pas en s'extasiant devant le prolétariat et en jetant de nombreux tracts
qui ne dépassent pas le niveau réel de la lutte que l'on participe en tant que
révolutionnaires dans les conflits de classe, on arrive par là, à la limite, à
un seul résultat: faire grossir les rangs de sa propre organisation. Le
révolutionnaire n'est pas une cloche qui tinte lorsque tous les réveils ont
déjà sonné.
En conclusion: les révolutionnaires
doivent défendre ouvertement les positions auxquelles ils croient,
indépendamment du niveau de conscience de l'ensemble du prolétariat et du
niveau de la combativité prolétarienne, et ce à tout moment. Ce sont de
toutes manières les situations elles-mêmes qui limitent cette activité
lorsqu'il y a passivité totale du prolétariat, on n'a pas à s'autolimiter au
nom de la critique de l'activisme. Les révolutionnaires doivent montrer et
défendre les objectifs de classe, et savoir critiquer la classe lorsque
celle-ci n'agit pas sur son terrain. C’est pour cela que nous saluons bien bas
les nombreux groupes qui pour des motifs différents, ont critiqué notre tract
du 1° Mai. Nous insultions la classe parait-il! Mais quelle classe?
Le
composite de gens bêtifiés par le capital défilant derrière toutes les
organisations contre-révolutionnaires? Pour nous cela ce n'est pas la classe
agissant en tant que telle, mais la somme arithmétique de gens mystifiés, de
gens trompés, menés à l'abattoir par des salopes et des crapules. Ceux qui
renoncent expressément à lutter contre le courant et à ne rien dire à la classe
ouvrière "qu'elle ne puisse pas comprendre" sont voués à leur propre
faillite qu'ils soient attentistes, volontaristes ou activistes.
"...L'objectif
final n'est rient c'est le mouvement qui est tout…“
Rosa Luxembourg
NON, au
contraire le mouvement en tant que tel, sans relation avec l'objectif final, le
mouvement comme fin en sois n'est RIEN c'est l'objectif
final qui est TOUT."
Alarme -N 05
[Article publié dans Alarme -N05 JUIL.AOUT.SEPT.79]
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