VIENT DE PARAÎTRE :
LES COMITÉS DE DÉFENSE DE
LA CNT À BARCELONE (1939/1939)
Des Cadres de Défense aux Comités révolutionnaires de
Quartier, aux Patrouilles de Contrôle et aux Milices Populaires
Augustín Guillamón/ N°7 des cahiers du
Coquelicot / 276 pages / 18 €
à commander sur le site ci-dessous
http://www.lecoquelicot.info
*
LES COMITÉS DE DÉFENSE
DE LA CNT.
PROTAGONISTES DES
BARRICADES DE BARCELONE
EN JUILLET 36 ET EN
MAI 37
Introduction
La thèse fondamentale du livre Barricades à Barcelone (traduit
en français à Spartacus, 2009) affirme que l’idéologie d’unité antifasciste a
conduit la CNT à accepter le programme politique de la bourgeoisie républicaine
et par conséquent à collaborer avec l’État capitaliste, en ayant pour seul objectif
celui de gagner la guerre contre le fascisme, en renonçant au préalable à tout
programme révolutionnaire.
La situation révolutionnaire en juillet 36 se caractérisait par un pouvoir
atomisé en multiples comités révolutionnaires, qui fut asphyxié par le Comité
Central des Milices (CCMA), qui ne fut qu’un organisme de collaboration de
classes, et qui a vu le jour parce que la CNT a renoncé à prendre le pouvoir.
L’idéologie antifasciste et la participation de la CNT au pouvoir à divers
niveaux, responsabilités municipales, ministères de la Généralitat
(gouvernement autonome de Catalogne) et même ministères du gouvernement
central, ont créé une bureaucratie de comités supérieurs, ayant des intérêts
distincts et opposés à ceux des comités révolutionnaires qui s’étaient créés
dans les quartiers de Barcelone. Alors que pour les comités supérieurs tout
dépendait de la victoire militaire sur le fascisme, les comités de quartier
continuaient à faire ondoyer le drapeau du programme de la révolution ouvrière.
Le processus d’institutionnalisation de ces comités supérieurs
de la CNT-FAI en a fait des serviteurs de l’État qui considéraient les comités
révolutionnaires de quartier comme leurs pires ennemis. La thèse naïve et
simpliste qui divise les leaders anarcho-syndicalistes en traitres et en héros,
comme si la masse militante était amorphe et sans volonté, n’explique rien.
L’affrontement entre les comités supérieurs et les comités révolutionnaires a
été un chapitre de plus de la lutte de classes, qui a été sur le point de se
terminer par une scission, que la répression sélective stalinienne
a finalement résolue par l’anéantissement des révolutionnaires et
l’intégration des comités supérieurs dans l’appareil de l’État.
Dans le livre Les Comités de Défense de la CNT (en espagnol à
Aldarull, 2011), j’essaie d’expliquer ce qu’étaient ces comités de défense,
comment ils ont vaincu l’armée dans les rues de Barcelone les 19 et 20 juillet,
comment ils se sont transformés en comités révolutionnaires, comment ils se
sont affrontés aux comités supérieurs libertaires, comment ils se sont
affrontés au stalinisme en mai 1937. J’essaie également d’expliquer leur
évolution postérieure jusqu’à leur dissolution définitive.
Qu’était un Comité de défense (CD) ?
Les comités de défense étaient l’organisation militaire clandestine de la CNT,
financés par les syndicats de la CNT et leur action était assujettie à ces
derniers.
En octobre 1934, le Comité National des Comités de Défense a abandonné la
vieille tactique des groupes d’actions pour une préparation révolutionnaire sérieuse
et méthodique. Il a élaboré un rapport où il affirmait :
“Il n’y a pas de révolution sans préparation. Il faut en finir avec le
préjugé des improvisations. Cette erreur, qui est de croire en l’instinct
créateur des masses, nous a coûté très cher. On n’obtient pas, comme par
génération spontanée, les moyens de guerre nécessaires pour combattre un État
qui a de l’expérience, qui est fortement armé et qui a une plus grande capacité
offensive et défensive”.
Le groupe de défense de base devait être constitué de peu de personnes, pour
faciliter la clandestinité. Il devait être formé de six militants ayant des
fonctions spécifiques :
. Un secrétaire, chargé du contact avec d’autres
groupes de défense, de la création de nouveaux groupes et de l’élaboration des
rapports.
. Un deuxième militant
chargé d’enquêter sur les personnes, d’évaluer le danger des ennemis, tout
particulièrement des curés, des militaires et des pistoleros du patronat.
. Un troisième
militant se chargeait de repérer les bâtiments, de tracer des plans et
d’élaborer des statistiques.
. Un quatrième
militant étudiait les points stratégiques et tactiques de la lutte dans les
rues.
. Un cinquième se
consacrait à l’étude des services publics : électricité, eau, gaz, égouts.
. Et un sixième
militant était chargé de trouver des armes, de l’argent et du ravitaillement.
Six était un nombre idéal, mais certains membres pouvaient s’y rajouter pour
accomplir des tâches “relativement importantes”. La clandestinité devait être
absolue. C’étaient les noyaux de base d’une armée révolutionnaire, capable de
mobiliser des groupes secondaires plus nombreux, et ces derniers de mobiliser
le peuple dans son ensemble.
Le cadre où chaque groupe de défense devait agir était bien délimité dans chaque quartier
et signalée sur un plan de la ville. Le Comité de défense du quartier
coordonnait tous ces cadres de défense et recevait un rapport mensuel de chaque
secrétaire de groupe.
L’organisation des comités de défense à l’échelle régionale et nationale
comprenait entre autres les secteurs de travailleurs des chemins de fer, les
conducteurs d’autocar, les travailleurs de la compagnie téléphonique et du
télégraphe, les facteurs et enfin, tous ceux qui, par les caractéristiques de
leur profession ou organisation, sont présents au niveau national, en
soulignant l’importance des communications dans une insurrection
révolutionnaire. Une attention toute spéciale était donnée au travail
d’infiltration et de propagande pour gagner des sympathisants dans les
casernes.
Les comités de défense
avaient deux fonctions essentielles : les armes et l’intendance, dans le sens
le plus large.
Les Comités de Défense pouvaient être considérés comme la continuité, la
réorganisation et l’extension des groupes d’action et d’auto-défense armée des
années du pistolérisme (1917-1923).
3. Comment est-on passé des groupes
d’action aux comités de défense ?
Les groupes
anarchistes Indomables (indomptables), Nervio (Nerf), Nosotros (Nous), Tierra
libre (Terre libre) et Germen (Germe), ont fondé à Barcelone le Comité Local de
Préparation Révolutionnaire en janvier 1935 à la réunion
plénière de la Fédération des Groupes Anarchistes de Barcelone.
Dans un contexte historique
vraiment effrayant, la montée du fascisme en Italie, du nazisme en Allemagne,
du stalinisme dans la soi-disant Union Soviétique, de la dépression économique
avec un chômage massif et permanent aux États-Unis et en Europe, le rapport
élaboré à cette réunion plénière présentait l’espoir du prolétariat
révolutionnaire.
Ce rapport
disait : « Face à la faillite universelle des idées, des partis,
des systèmes, il ne reste que le prolétariat révolutionnaire avec son programme
de réorganisation des bases du travail, de la réalité économique et sociale et
de la solidarité ».
Ce rapport critiquait
la vieille tactique de la gymnastique révolutionnaire (LE FAIT DE S’ENTRAÎNER À LA PRATIQUE INSURRECTIONNELLE) et
les insurrections improvisées de janvier et de décembre 1933 de cette
façon :
« La
révolution sociale ne peut être interprétée comme un coup audacieux, dans le
style des coups d’État du jacobinisme, elle sera la conséquence et le résultat
du dénouement d’une guerre civile inévitable et dont on ne peut prévoir la
durée ».
18 mois avant le 19
juillet, la préparation révolutionnaire en vue d’une longue guerre civile
devait faire face à de nouveaux défis, impensables pour la vieille tactique des
groupes de choc. Le rapport disait :
« Comme il est
impossible de disposer à l’avance des stocks d’armes nécessaires à une lutte
soutenue, il faut que le Comité de Préparation étudie la façon de transformer,
dans certaines zones stratégiques, les industries […] en industries pouvant
fournir du matériel de combat pour la révolution ».
Là est l’origine de la
Commission des industries de guerre, constituée le 7 août 1936 et qui a
constitué, du néant le plus absolu, une puissante industrie de guerre grâce aux
efforts des travailleurs coordonnés par les militants de la CNT Eugenio
Vallejo, travailleur de la métallurgie, Manuel Martí, du syndicat du secteur
chimique et Mariano Martín, même si plus tard ce sont des politiciens bourgeois
comme Josep Tarradellas qui s’en sont appropriés le succès.
Des groupes d’action
et de choc d’avant 1934, pratiquant la gymnastique révolutionnaire, on était
passé à la formation de comités d’information et de combat, considérés
comme les cellules de base d’une armée révolutionnaire capable de vaincre
l’armée et de mener une guerre civile.
4. Les anarchistes pouvaient-ils prendre
le pouvoir ?
Au
cours des six premiers mois de 1936, le groupe Nosotros s’est affronté aux
autres groupes de la FAI en Catalogne dans des débats très durs sur deux
conceptions fondamentales, à un moment où l’on savait pertinemment que les
militaires se préparaient à un coup d’État sanglant. Ces deux concepts étaient
« la prise du pouvoir » et « l’armée révolutionnaire ». Le
pragmatisme du groupe Nosotros, plus préoccupé par les techniques
insurrectionnelles que par les tabous, se heurtait de plein front aux préjugés
idéologiques des autres groupes de la FAI, c’est-à-dire qu’il se heurtait au
refus de ce que ces groupes qualifiaient de « dictature anarchiste »
et il se heurtait à leur profond antimilitarisme, eux qui
subordonnaient tout à la spontanéité créative des travailleurs.
Ce net rejet des « pratiques anarcho-bolcheviques » du groupe
Nosotros s’est largement reflété dans la revue Más Lejos (Plus
Loin) qui publia les réponses à une enquête qu’elle avait réalisée dans son
premier numéro, en avril 1936, et où les lecteurs devaient répondre à deux
questions sur l’acceptation ou le refus de l’abstentionnisme électoral et à une
troisième question sur la prise du pouvoir ainsi formulée : « Les
anarchistes peuvent-ils, suivant les circonstances, et en faisant fi du moindre
scrupule, se disposer à la prise du pouvoir, de n’importe quelle façon, afin
d’accélérer le rythme de sa marche vers la réalisation de l’Anarchie ? »
Pratiquement tout le monde a répondu négativement. Mais aucune réponse ne
proposait d’alternative pratique à ce refus généralisé de la prise du pouvoir.
Théorie et pratique anarchistes semblaient en plein divorce, à la veille du
coup d’État militaire.
À la réunion plénière des Groupes Anarchistes de Barcelone de juin 1936, García
Oliver défendit que l’organisation des groupes de défense, coordonnés en
comités de défense de quartier, à Barcelone, était le modèle à suivre, en
l’étendant à l’ensemble du territoire espagnol, et en coordonnant cette
structure au niveau régional et national, pour constituer une armée
révolutionnaire du prolétariat. Cette armée devait être complétée par
la création d’unités de guérillas de cent hommes. De nombreux militants se sont
opposés aux conceptions de García Oliver, bien plus enclins à la spontanéité
des travailleurs qu’à l’organisation révolutionnaire disciplinée. Les
convictions antimilitaristes de nombreux groupes d’affinité entraînèrent un
refus quasi unanime des thèses du groupe Nosotros, et particulièrement de
celles de García Oliver.
5. Comment ces Comités de Défense se sont-ils
transformés en Milices Populaires et en Comités révolutionnaires de
quartier ?
Le 19 juillet 1936, la garnison militaire de Barcelone comprenait environ six
mille hommes, face aux presque deux mille de la Guardia de Asalto (Garde
d’assaut) et aux deux cents « mossos d’escuadra » (police catalane). La Guardia Civil, dont
personne ne savait avec certitude en faveur de qui elle se décanterait,
comptait sur environ trois mille hommes. La CNT-FAI était formée d’environ vingt
mille militants, organisés en comités de défense de quartier, prêts à
prendre les armes. Elle s’engageait, devant la commission de liaison de la CNT
avec la Generalitat et les militaires loyaux à la République, à arrêter les
factieux avec seulement mille militants armés.
Ces groupes de défense subirent une double transformation en donnant d’une part
les milices populaires qui ont constitué au cours des
premières journées le front d’Aragon qui instaura la collectivisation des
terres dans les villages d’Aragon libérés ; et, d’autre part, les comités
révolutionnaires qui, dans chaque quartier de Barcelone, et dans
chaque village de la Catalogne, ont imposé un « nouvel ordre
révolutionnaire ». Comme les milices populaires et les comités
révolutionnaires provenaient tous deux des groupes de défense, ils furent
toujours très unis et en interaction. Ces comités locaux, dans certains
villages, étaient le fruit du rapport de forces existant dans chaque localité,
et parfois ils pouvaient être purement front populiste, sans aucune aspiration
révolutionnaire.
Les comités révolutionnaires assumaient une importante tâche administrative,
très variée, de l’émission de bons, de tickets pour la nourriture, de
sauf-conduits, de laissez-passer, l’approvisionnement et l’entretien des
hôpitaux à l’expropriation de la nourriture, des meubles et des bâtiments, le
financement des écoles rationalistes et des ateneos (centres culturels)
gérés par les Jeunesses Libertaires, la paie des miliciens ou de leur famille,
etc.
6. Les Comités de Défense se sont transformés, à
Barcelone, en comités révolutionnaires de quartier
Le vrai pouvoir exécutif était dans la rue, c’était le pouvoir du prolétariat
en armes, exercé par les comités locaux, de défense et de contrôle ouvrier, qui
expropriaient spontanément les usines, les ateliers, les immeubles et les propriétés ;
qui organisaient, armaient et menaient au front les groupes de miliciens
volontaires qu’ils venaient de recruter ; qui brûlaient les églises ou les
transformaient en écoles ou en magasins ; qui formaient des patrouilles
pour étendre la guerre sociale ; qui protégeaient les barricades,
véritables frontières de classe contrôlant les allées et venues et représentant
le pouvoir des comités ; qui faisaient fonctionner les usines, sans
maîtres ni dirigeants, ou qui les transformaient en usines de guerre ; qui
réquisitionnaient les voitures et les camions ou la nourriture pour les comités
d’approvisionnement ; qui « promenaient » (liquidaient) les
bourgeois, les fascistes et les curés ; qui percevaient les impôts
révolutionnaires ou qui finançaient des travaux publics pour réduire le
chômage ; qui substituaient les mairies républicaines totalement obsolètes
en imposant partout leur autorité absolue dans tous les domaines, en ignorant
les ordres de la Generalitat et du Comité Central des Milices Antifascistes
(CCMA). La situation révolutionnaire se caractérisait par une
atomisation du pouvoir.
À Barcelone, les comités de défense, transformés en comités révolutionnaires de
quartier, n’ont suivi les consignes d’aucune organisation, quelle qu’elle soit
et ont pris les initiatives que chaque situation exigeait. Ils ont organisé les
hôpitaux, débordés par l’avalanche de blessés, ils ont créé des cantines
populaires, ils ont réquisitionné des voitures, des camions, des armes, ils ont
exproprié des usines, des immeubles, ils ont détenu des suspects et ont
créé un réseau de Comités d’approvisionnement dans chaque quartier, qui se sont
coordonnés en un Comité Central d’Approvisionnement de la ville, au
sein duquel le Syndicat de l’Alimentation de la CNT a joué un grand rôle. La
contagion révolutionnaire touchait tous les secteurs sociaux et toutes les
organisations, qui se décantaient sincèrement en faveur de la nouvelle
situation révolutionnaire. Cela a été la seule force réelle du Comité Central
des Milices, qui apparaissait aux yeux du prolétariat armé comme l’organisme
antifasciste qui devait diriger la guerre et imposer le nouvel ordre
révolutionnaire.
Le 21 juillet, une séance plénière des syndicats locaux et régionaux avait
renoncé à la prise du pouvoir,comprise comme une dictature des leaders
anarchistes, et non point comme l’imposition, la coordination et
l’extension du pouvoir que les comités révolutionnaires exerçaient
déjà dans la rue. Fut décidée la création d’un Comité Central des Milices
Antifascistes, ORGANISME DE COLLABORATION DE CLASSES, formé par l’ensemble des
organisations antifascistes.
Le 24 juillet a lieu le départ des deux premières colonnes anarchistes dirigées
l’une par Durruti et l’autre par Ortiz. Durruti prononça un discours à la radio
où il prévenait qu’il fallait être vigilant face aux tentatives
contre-révolutionnaires. Il fallait contrôler la situation révolutionnaire à
Barcelone et aller « jusqu’au bout » après la prise de Saragosse.
À la Réunion plénière régionale du 26, il fut confirmé à l’unanimité que
la CNT maintiendrait la même position que celle défendue le 21 juillet, celle
de participer à l’organisme de collaboration de classes appelé CCMA. Lors de
cette réunion du 26 fut créée une Commission d’Approvisionnement, dépendante du
CCMA, à laquelle devaient se soumettre les différents comités
d’approvisionnement qui avaient surgi un peu partout, et en même temps l’arrêt
partiel de la grève générale fut aussi exigé. Le résumé des principaux accords
qui se sont conclus à cette réunion plénière fut publié sous forme d’arrêté
pour qu’il soit connu de tous et respecté.
Le Comité Central d’Approvisionnement était une institution fondamentale qui
jouait un rôle indispensable par rapport aux ouvriers volontaires qui
quittaient leur poste de travail pour aller combattre le fascisme en
Aragon : assurer en leur absence la nourriture de leurs familles
qui ne percevraient plus le salaire hebdomadaire avec lequel elles vivaient.
Ainsi, les comités révolutionnaires de quartier, à Barcelone, étaient formés de
deux sections : la section de défense et la section
d’approvisionnement, qui répondaient aux deux besoins essentiels du
moment : les armes et la nourriture.
7. Qu’étaient les Patrouilles de
Contrôle ?
Entre le 21 juillet et la mi-août 36, les patrouilles de contrôle se sont
constituées comme police « révolutionnaire » qui dépendait du Comité
Central des Milices Antifascistes (CCMA).
Seule la moitié environ de ceux qui faisaient partie des patrouilles de
contrôle possédait la carte de la CNT ou faisait partie de la FAI ;
l’autre moitié était affiliée aux autres organisations formant le CCMA :
fondamentalement le POUM, Esquerra Republicana de Cataluña (ERC) et le PSUC.
Sur les onze délégués de section, il n’y en avait que quatre de la CNT :
ceux de Pueblo Nuevo, Sants, San Andrés (Armonía) et Clot : quatre étaient
de ERC, trois du PSUC et aucun du POUM.
Les patrouilles de Contrôle dépendaient du Comité d’Enquête du CCMA, dirigé par
Aurelio Fernández (FAI) et Salvador González (PSUC). Sa section centrale était
dirigée par deux délégués de Patrouilles, José Asens (FAI) et Tomás Fábrega
(Acció Catalana). Le salaire des membres des patrouilles, de dix pesetas par
jour, était payé par la Generalitat. [...].
8. Quel a été le bilan du Comité
Central des Milices Antifascistes ?
Le 26 septembre fut formé un gouvernement de la Generalitat auquel participaient
des « consellers » -des ministres- anarchistes. Le 1er octobre, le
CCMA fut dissous.
Les
décrets du 9 et 12 octobre déclarèrent que tous les comités locaux qui
avaient surgi le 19 juillet étaient dissous et qu’ils devaient être remplacés
par de nouvelles mairies. La résistance des militants de la CNT, qui ne
faisaient aucun cas des consignes des comités supérieurs ou des ordres du
gouvernement de la Generalitat, menaça le pacte antifasciste. Les
dirigeants anarchosyndicalistes subissaient la pression de leurs militants qui
n’avaient aucune envie de leur obéir et celle des forces antifascistes qui leur
exigeaient de respecter et de faire respecter les décrets du gouvernement et de
faire entendre raison aux « incontrôlés ».
Voilà quel était le véritable bilan du CCMA après neuf semaines
d’existence : la dissolution des comités révolutionnaires locaux qui exerçaient
tout le pouvoir dans la rue et les usines en faveur du rétablissement complet
du pouvoir de la Generalitat. Il faut ajouter au bilan désastreux du CCMA les
décrets signés le 24 octobre sur la militarisation des Milices et le décret sur
les Collectivisations, c’est-à-dire la suppression des Milices ouvrières
formées de volontaires révolutionnaires et leur transformation en armée
bourgeoise classique. Et d’autre part, la transformation des expropriations et
du contrôle des usines par le prolétariat en une économie tendant à être
entièrement contrôlée et dirigée par la Generalitat.
9. L’hibernation des comités de défense en décembre
1936 et leur réorganisation en mars 1937
Début décembre 1936, la Fédération Locale des Syndicats Uniques de la CNT de
Barcelone a débattu du rôle que devaient jouer les comités de défense à
Barcelone.
La Fédération Locale imposa une vision strictement syndicale, qui ne voyait pas
d’un bon œil l’importance qu’avaient acquise, dans les quartiers, les comités
de défense et les comités d’approvisionnement. Elle considérait que leurs
fonctions, un fois conclue et l’insurrection révolutionnaire et l’étape
immédiatement postérieure, étaient provisoires et qu’elles devaient désormais
être assumées par les syndicats.
En décembre 1936, les comités de défense étaient une entrave pour la politique
gouvernementaliste des comités supérieurs de la CNT ; ils devaient donc
hiberner et se soumettre aux syndicats, comme simples appendices, quelque peu gênants
et inutiles.
Ce qui était en jeu, c’était le degré d’autonomie des comités de défense de
quartiers par rapport aux syndicats. Il y avait ceux qui pensaient que les
Comités Locaux de Défense devaient avoir leur propre personnalité et être
totalement indépendants, en les considérant comme LA MILICE DE LA CNT, alors
que d’autres pensaient qu’ils devaient entièrement se soumettre aux décisions
de la Fédération Locale des Syndicats qui non seulement devait discuter de la
situation et décider de comment agir, mais devait en plus garder les armes,
contrôler les hommes et financer les Comités de Défense.
Le problème fondamental, d’après le Comité Régional de Catalogne, était le
refus généralisé de la consigne de désarmement, de telle sorte qu’il en est
arrivé, selon ses propres mots, à constater que « les quartiers
sont nos pires ennemis ». Les comités de défense entrèrent alors
dans une période d’hibernation.
L’entrée de la CNT dans le gouvernement de la Generalitat avait entraîné, début
octobre, la création d’une Assemblée de Sécurité Intérieure, qui se
caractérisait par une dualité conflictuelle de pouvoir sur les forces de
l’ordre entre la CNT et le gouvernement de la Generatitat. Les Patrouilles de
Contrôle perdirent leur autonomie et leur pouvoir de décision, alors que le
Commissariat de l’Ordre Public, contrôlé par le PSUC et ERC, voyait son pouvoir
de coercition augmenter, grâce au renforcement des corps des Gardes d’Assaut et
de la Garde Nationale Républicaine (ancienne Garde Civile).
À la fin du mois de janvier 1937, les miliciens du PSUC-UGT abandonnèrent les
Patrouilles de Contrôle et furent substitués par des membres de la CNT, d’ERC
et du POUM. La perspective de la fin des Patrouilles de Contrôle, remplacées
par un nouveau Corps Unique de Sécurité, ce qui fut décrété le 4 mars 1937,
entraînait la fin de l’hégémonie de la CNT sur les tâches policières et
répressives à l’arrière.
Les syndicats comprirent qu’il fallait absolument réorganiser les comités de
défense, dans les quartiers, pour organiser l’affrontement qui semblait alors
inévitable.
10. Pourquoi le contrôle de
l’approvisionnement a-t-il été perdu ? Que fut la « guerre du
pain » ?
Le 20 décembre 1936, le stalinien Comorera, Conseller (Ministre) de
l’Approvisionnement, prononça un discours important, en catalan, à Barcelone.
Comorera défendit le besoin d’un gouvernement fort, ayant pleins pouvoirs,
capable de faire appliquer les décrets pour qu’ils ne restent pas lettre morte,
comme cela avait été le cas avec le premier gouvernement Tarradellas, auquel
avait participé Nin comme représentant du POUM. Un gouvernement fort, capable
de mener à bien une politique militaire efficace, regroupant toutes les forces
existantes sur le front.
Comorera attribuait le manque de nourriture et l’augmentation de son prix aux
Comités de défense, et non au fait que les grossistes et les commerçants s’en
accaparaient et spéculaient. C’était le discours qui justifiait et expliquait
le mot d’ordre sur les pancartes et les tracts des manifestations de femmes fin
36, début 37 : « plus de pain et moins de comités »,
manifestations organisées et manipulées par le PSUC. C’était l’affrontement
entre deux politiques d’approvisionnement opposées, celle du PSUC et celle du
Syndicat de l’Alimentation de la CNT. Ce dernier, par le bais des treize
magasins d’approvisionnements des quartiers, gardés par les comités
révolutionnaires de quartier (ou plus exactement par leur section de défense)
fournissait gratuitement de la nourriture aux cantines populaires où pouvaient
se rendre les chômeurs et les membres de leurs familles. Il s’occupait
également de centres d’attention aux réfugiés dont le nombre tournait autour de
220 000 personnes en avril 1937 à Barcelone. C’était un réseau
d’approvisionnement qui faisait concurrence aux détaillants qui n’obéissaient
qu’à la loi de l’offre et de la demande afin d’éviter surtout l’augmentation du
prix des produits qui auraient été alors inaccessibles pour les travailleurs
et, cela va de soi, pour les chômeurs et les réfugiés. Le marché noir était la
grande affaire des détaillants qui faisaient bombance grâce à la faim de la
majorité de la population. La guerre du pain de Comorera
contre les comités d’approvisionnement de quartiers ne visait qu’à enlever aux
comités de défense toute parcelle de pouvoir, même si cette guerre impliquait
le désapprovisionnement de Barcelone et la pénurie alimentaire.
Comorera conclut son discourt par un appel à la responsabilité de toutes les
organisations afin d’obtenir une forte unité antifasciste. Pour bien comprendre
le discours de Comorera, il faut tenir compte de la stratégie, défendue par
Gerö (LE DÉLÉGUÉ DE MOSCOU DANS LE PSUC), de mener une politique SÉLECTIVE par
rapport au mouvement anarchiste, qui consistait à intégrer les dirigeants
anarchistes dans l’appareil d’État, tout en réprimant de façon terrible les
secteurs révolutionnaires qualifiés de façon infamante d’incontrôlés, de
gangsters, d’assassins, d’agents provocateurs et d’irresponsables ;
secteurs que Comorera identifiait très clairement aux comités de
défense.
Les
magasins d’approvisionnement des comités de quartier contrôlaient ce que les
détaillants allaient recevoir comme marchandises et leur prix de vente au
public, après que les besoins « révolutionnaires » du quartier aient
été satisfaits, celui, donc, des malades, des enfants, des chômeurs, des
cantines populaires, etc.
Comorera défendait le marché libre et la disparition de ces comités
révolutionnaires de quartier. Il savait de plus qu’une chose allait de pair
avec l’autre et que sans supprimer les comités de défense, le marché
libre n’était que chimère.
Un approvisionnement rationnel, prévoyant et suffisant de Barcelone et de la
Catalogne aurait signifié l’acceptation des prétentions du Conseller –ministre-
de l’économie de la CNT, Fábregas, qui, entre le mois d’octobre et de décembre
a bataillé inutilement, dans les réunions ministérielles de la Generalitat,
pour obtenir le monopole du commerce extérieur, face à l’opposition des autres
forces politiques. Pendant ce temps-là, sur le marché des céréales de Paris,
dix ou douze grossistes se faisaient concurrence et faisaient monter les prix.
Mais ce monopole du commerce extérieur, qui n’était même pas une mesure de
caractère révolutionnaire, mais seulement une mesure adaptée à une situation
urgente due à la guerre, allait à l’encontre de la philosophie du marché libre,
défendue par Comorera.
Il y avait un lien entre les queues pour acheter du pain à Barcelone et la
concurrence irrationnelle des grossistes sur le marché des céréales à Paris.
Lien qui aurait été brisé avec le monopole du commerce extérieur. Avec la
politique du marché libre de Comorera, ce lien s’est renforcé. Mais qui
plus est, le PSUC a encouragé la spéculation des commerçants, qui ont implanté
une véritable dictature sur le prix de tous les aliments, en s’enrichissant sur
le dos des travailleurs affamés.
11. Comment et pourquoi ces
Comités de Défense se sont-ils radicalisés en avril 37 ?
Le dimanche 11 avril, au meeting de l’arène de La Monumental de Barcelone, il y
avait des pancartes qui exigeaient la liberté des nombreux prisonniers
antifascistes, la plupart de la CNT. Federica Montseny (dirigeante de la CNT)
fut huée et sifflée. Les cris favorables à la liberté des prisonniers
redoublèrent. Les comités supérieurs accusèrent de « sabotage » le
Regroupement des Amis de Durruti. Federica, très offensée, menaça de ne plus
faire de meeting à Barcelone.
Le lundi 12 avril 1937 eut lieu à la Casa CNT-FAI une réunion plénière locale
des Groupes Anarchistes de Barcelone, à laquelle assistèrent les groupes de
Défense de la confédération et des Jeunesses Libertaires.
Le groupe 12, du quartier de Gracia, présenta une proposition par écrit qui
disait :
« La réunion, qui a pris en compte, après une large discussion, les
résultats de neuf mois de politique ministérielle, qui a constaté
l’impossibilité de gagner la lutte armée sur les fronts contre le fascisme sans
faire dépendre tous les intérêts particuliers, économiques, politiques et
sociaux, de l’objectif suprême de la guerre, qui considère que seule la
socialisation totale de l’industrie, du commerce et de l’agriculture permet
d’écraser le fascisme, qui considère que n’importe quelle forme de gouvernement
est par essence réactionnaire, et donc opposée à la révolution sociale a décidé
de :
1. Retirer tous les hommes qui occupent
actuellement une place dans les instances antifascistes gouvernementales.
2. S’engager à constituer un comité
révolutionnaire antifasciste pour coordonner la lutte armée contre le fascisme.
3. Socialiser immédiatement l’industrie, le
commerce et l’agriculture.
4. Implanter une carte de producteur,
(carte de rationnement prétendant favoriser les travailleurs au détriment des
rentiers et des bourgeois). Mettre en route la mobilisation générale de tous
les hommes capables de manier une arme et les instruments de travail sur le
front et à l’arrière.
5. Et enfin, faire sentir à tout le monde
le poids inflexible de la discipline révolutionnaire pour bien montrer que l’on
ne plaisante pas avec les intérêts de la révolution sociale ».
La bureaucratie s’était vue débordée par cette
réunion. À cette réunion plénière étaient intervenus les Comités de Défense de
Barcelone, ou ce qui revient au même, la délégation des comités
révolutionnaires de quartier, ainsi que les Jeunesses Libertaires, qui
radicalisèrent, sans aucun doute, les accords qui avaient été pris.
Et cette FAI de
Barcelone, avec les sections de défense des comités révolutionnaires de
quartier et les Jeunesses Libertaires, malgré la scandaleuse et hystérique
opposition de certains bureaucrates, avait décidé d’en finir avec le
collaborationnisme, de retirer les ministres anarchistes du gouvernement de la
Generalitat et de constituer un Comité révolutionnaire qui dirigerait la guerre
contre le fascisme. C’était un pas décisif vers l’insurrection
révolutionnaire qui éclata le 3 mai 1937.
La réunion plénière
constatait, d’autre part, qu’il y avait un fossé idéologique, pas tant entre la
CNT et la FAI, mais entre révolutionnaires et collaborationnistes pouvant
aboutir à une scission organisationnelle au sein du mouvement libertaire et qui
se manifestait par l’opposition croissante entre les comités de quartier,
certains groupes anarchistes et les Jeunesses Libertaires, d’une part, et les
comités supérieurs, dont les objectifs étaient totalement différents, d’autre
part.
Cette radicalisation était le fuit d’une situation de plus en plus insoutenable
dans la rue. Le 14 avril, une manifestation de femmes, qui cette fois n’était
pas manipulée par le PSUC, partit de La Torrassa (un quartier d’Hospitalet, banlieue
de Barcelone de tradition anarchiste) pour parcourir les différents marchés des
quartiers barcelonais de Collblanc, Sants et Hostafrancs, pour protester contre
le prix du pain et de la nourriture en général. Cette manifestation s’adressa
au Comité Révolutionnaire de la Place España pour qu’il intervienne dans
l’affaire. Les manifestations et les protestations s’étendirent à presque tous
les marchés de la ville. Plusieurs boutiques et plusieurs boulangeries furent
pillées. Les quartiers ouvriers de Barcelone, affamés, étaient sortis dans la
rue pour manifester leur indignation et pour exiger des solutions.
12. Quel rôle ont joué les Comités de Défense en mai
1937 ?
Le lundi 3 mai 1937, vers 14h45, trois camions de gardes d’assauts, armés
jusqu’aux dents, s’arrêtèrent devant le siège de la centrale téléphonique,
place Catalogne. Ils étaient dirigés par Eusebio Rodríguez Salas, militant du
syndicat UGT, stalinien convaincu, responsable officiel du commissariat de
l’ordre public. Le bâtiment de la centrale téléphonique avait été exproprié par
la CNT le 19 juillet 1936.
Le contrôle des appels téléphoniques, la surveillance des frontières et les patrouilles
de contrôle étaient le cheval de bataille qui, depuis janvier, avait provoqué
divers incidents entre le gouvernement républicain de la Generalitat et la CNT.
Rodríguez Salas voulut prendre le bâtiment de la centrale téléphonique. Les
militants de la CNT des premiers étages, pris par surprise, furent
désarmés ; mais les militants de la CNT des étages supérieurs organisèrent
leur résistance grâce à une mitraillette placée à un point stratégique. La
nouvelle se répandit très rapidement. EN MOINS DE DEUX HEURES, des barricades
furent dressées dans toute la ville.
On ne peut pas parler de réaction spontanée de la classe ouvrière de Barcelone,
parce que la grève générale, les affrontements armés avec les forces de police
et les barricades furent le fruit de l’initiative prise par les comités
de défense, qui furent rapidement suivis vu le mécontentement généralisé,
les problèmes financiers croissants de la population causés par la vie chère,
les queues et le rationnement, et vu les tension chez les militants de base de
la CNT entre les collaborationnistes et les révolutionnaires. La lutte dans les
rues fut impulsée et menée par les comités de défense des quartiers, sans aucune
intervention desCOMITÉS SUPÉRIEURS.
Les comités de quartier déchaînèrent et dirigèrent l’insurrection du 3 au 7 mai
1937 à Barcelone. Et il ne faut pas confondre les comités de défense des
quartiers avec une « spontanéité des masses » ambigüe et imprécise,
dont parle l’historiographie officielle.
Andrés Nin, secrétaire politique du POUM, dans un article écrit le 19 mai 1937,
en parle ainsi :
« Les journées de mai à Barcelone ont fait revivre certains organismes
qui, au cours de ces derniers mois, avaient joué un certain rôle dans la
capitale catalane et dans certaines villes importantes : les Comités de
Défense. Il s’agit d’organismes de type technico-militaire, formés par les
syndicats de la CNT. Ce sont eux, en réalité, qui ont dirigé la lutte, et qui étaient,
dans chaque quartier, le centre d’attraction et d’organisation des ouvriers
révolutionnaires ».
Les Amis de Durruti n’ont pas initié l’insurrection, mais ils furent les
combattants les plus actifs sur les barricades, ils distribuèrent un tract qui
exigeait la substitution du Gouvernement de la Generalitat par une Junte
Révolutionnaire.
Les travailleurs de la CNT, désorientés par les ordres de
« cessez-le-feu » de leurs dirigeants (les mêmes dirigeants que le 19
juillet ! ! !), abandonnèrent finalement la lutte bien qu’au
début ils n’avaient fait aucun cas des appels à l’entente et à l’abandon de la
lutte, sous prétexte d’unité antifasciste.
13. Comment furent dissous les
Comités de Défense ?
Les comités révolutionnaires de quartier, à Barcelone, sont apparus le 19-20
juillet et ont perduré au moins jusqu’au 7 juin 1937, lorsque les forces de
l’ordre restaurées de la Generalitat ont dissous et occupé les divers centres
des Patrouilles de Contrôle, et en passant, plusieurs sièges des comités de
défense, comme celui du quartier des Corts. Malgré le décret qui exigeait la
disparition de tous les groupes armés, la plupart a résisté jusqu’en septembre
1937, lorsqu’ils furent systématiquement dissous et que les bâtiments qu’ils
occupaient furent pris d’assaut, un par un. Le dernier siège, le plus important
et le plus fort, fut le siège du comité de défense du Centre, aux Escolapios de
San Antonio, qui fut pris d’assaut le 20 septembre 1937 par les forces de l’ordre
public, avec tout un arsenal de mitrailleuses, de grenades, de tanks et de
canons. Cependant, la résistance des Escolapios n’a pas pris fin à cause des
coups de feu, mais parce que le Comité Régional leur donna l’ordre de déloger
le bâtiment.
Dès lors, les Comités de Défense, camouflés sous le nom de Sections de
coordination et d’information de la CNT, se consacrèrent exclusivement à des
tâches clandestines d’enquêtes et d’information, comme avant le 19 juillet,
mais à présent, en 1938, dans une situation nettement contre-révolutionnaire.
Ils eurent également une publication clandestine, Alerta... ! Entre
octobre et décembre 1937, 7 numéros furent publiés. Ce qui revenait dans cette
publication, c’était la solidarité avec les « prisonniers
révolutionnaires » en exigeant leur libération ; l’information sur
les abus staliniens à la Prison Modelo de Barcelone ; la critique du
collaborationnisme et la politisation de la FAI ; la dénonciation de la
désastreuse politique de guerre du gouvernement Negrin-Prieto et de la
prédominance stalinienne au sein de l’armée et des appareils de l’État. Dans
cette publication, il y a eu des saluts fraternels envers les Jeunesses
Libertaires et le regroupement Les Amis de Durruti. L’une des caractéristiques
indélébiles de cette publication était les appels constants à la Révolution et
à ce que les comités supérieurs abandonnent tous leurs postes parce que,
disait-elle, :
« La révolution ne peut se faire depuis l’État, mais contre l’État ».
Le dernier numéro, datant du 4 décembre, dénonçait les Tchekas staliniennes et
la persécution brutale des militants de la CNT en Cerdagne.
14. Conclusion
En 1938, les révolutionnaires étaient sous terre, en prison ou dans la
clandestinité la plus absolue. Ce n’est pas la dictature de Franco qui a mis un
terme à la révolution, mais la République de Negrin.
Les révolutions sociales, les tentatives de réorganisation de la production et
de la société sur de nouvelles bases, sont extrêmement rares dans l’histoire.
Au-delà des circonstances dans lesquelles elles ont surgi, elles nous apportent
toujours une expérience irremplaçable, tant par leur succès que par leur échec.
Le grand enseignement de la révolution de 1936 a été le besoin incontournable
de détruire l’État et de réprimer la contre-révolution. En reprenant la
terminologie des Amis de Durruti : « les révolutions sont
totalitaires ou sont défaites ».
Agustín Guillamon
Traduit en Français par Eulogio Fernández