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V. RÉVOLUTION OU GUERRE IMPÉRIALISTE

V. RÉVOLUTION OU GUERRE IMPÉRIALISTE
Dès 1914, les forces de production, le potentiel humain et la culture avaient atteint le niveau nécessaire à l'accomplissement de la révolution socialiste. Une grande alternative se présentait à l'humanité et en particulier au prolétariat : révolution ou guerres continuelles, suppression du capitalisme ou décadence et chute dans la barbarie. En fait, deux guerres ont exterminé des dizaines de millions d'hommes et détruit le travail de plusieurs générations, dans le seul but d'imposer au monde la domination d'un des blocs esclavagistes. À deux reprises en moins de trente ans, les gouvernants des pays belligérants ont appelé leurs populations respectives au massacre de celles des pays "ennemis" ; au nom de la liberté, de la civilisation, du droit et du bien-être futur, promettant pour demain, à l'instar de toutes les religions, ce qu'ils n'acceptent pas de donner aujourd'hui. Pour établir un nouvel équilibre mondial, les alliés d'hier sont une fois de plus disposés à déclencher un nouveau carnage, qui, maintenant, peut aboutir à l'anéantissement de l'espèce humaine.
Pour les masses travailleuses, la guerre représente le plus terrible des fléaux : poussées loin de leurs objectifs de classe, elles sont entraînées à combattre pour la défense des privilégiés de chaque pays belligérant. Contrairement à ce qu'essaient de faire croire la propagande bourgeoise et social-démocrate, ainsi que la réaction fasciste ou stalinienne, il n'existe jamais d'intérêt national collectif, mais seulement des intérêts de classe, ceux du prolétariat étant les seuls à se confondre avec ceux de l'humanité.
La guerre - parfois sa simple menace - en accentuant la misère des classes exploitées et la suprématie militaire, provoque une régression sociale généralisée, propice à toutes les entreprises réactionnaires. Mais les gouvernements, occidentaux et orientaux, ne peuvent éviter la guerre, car elle est incluse dans le mécanisme de leur système. Elle ne peut être davantage évitée par les mouvements pacifistes, toujours impuissants. Il faut en déraciner la cause, c'est-à-dire, le capitalisme. Rappelons que si les prolétaires des deux camps avaient, en 1914, attaqué leurs gouvernements respectifs au lieu de s'entre-tuer, l'humanité se serait épargné cinquante années de calamités, d'oppression et de conflits. Mais les dirigeants ouvriers, faisant corps avec les exploiteurs, poussèrent à la guerre dans les deux camps et imposèrent ainsi à la classe ouvrière le dilemme réactionnaire de la destruction d'un groupe de pays au profit d'un autre. Le prolétariat subit par là un grave échec et un immense recul idéologique. L'action internationaliste de Lénine, Trotski et d'une partie des bolcheviques, en permettant la victoire de la Révolution russe, replaça dans ses termes exacts le dilemme historique de l'humanité, en appelant de nouveau les peuples à s'emparer de l'économie et du pouvoir politique.
Il est incontestable que la trahison des leaders de l'Internationale Socialiste n'aurait eu qu'une portée assez restreinte si la Révolution russe n'avait elle-même été trahie quelques années après sa victoire. Mais bien avant 1939, la Troisième Internationale et le gouvernement du Kremlin avaient rejeté le dilemme posé par l'évolution historique et faisaient leur l'alternative posée par la réaction. Le Front Populaire n'avait pas encore fait son apparition officielle, que déjà leur politique, sciemment dirigée vers la guerre, n'avait pas d'objectif plus méticuleux que de paralyser l'action révolutionnaire du prolétariat. Grâce donc aux partis "communistes" liés à Moscou, une orientation chauvine et réactionnaire fut encore imposée aux masses. Aux côtés des puissances de l'Axe contre "la ploutocratie anglo-américaine" (Pacte germano-russe et suppression de la presse stalinienne de langue allemande), comme aux côtés de cette dernière "contre le fascisme" (participation à la guerre dans le camp des "démocraties" et résistances nationales), le Kremlin et ses partis ne changeaient que de camp impérialiste. La débâcle ainsi provoquée parmi les masses du monde entier ne peut être comparée à aucune autre. Elle reste la cause principale de la démoralisation actuelle des prolétaires, qui les rend facilement maniables par les appareils staliniens, cléricaux ou militaires.
Une telle politique a permis à la contre-révolution russe de devenir la seconde puissance impérialiste du Globe, non sans l'appui matériel et moral de la première. A l'humanité, elle a valu le partage de la planète en deux zones d'influence, la fausse propagande de "coexistence pacifique" qui se traduit pratiquement par la "guerre froide" et l'équilibre de la terreur permanente.
"Coexistence" ou guerre froide sont en réalité l'avers et le revers d'une seule stratégie ductile, susceptible de s'aventurer dans des hostilités locales, ou de se contenter pour un certain temps de la délimitation de zones d'influence incontestées, ou de se lancer à la décision militaire ultime, d'après les impératifs de l'expansion, les exigences politiques internes, ou bien d'après les confidences des espions des services secrets. Quoi qu'il en soit, et en dépit de la retenue que les armes thermonucléaires imposent aux deux géants, à l'équilibre de la terreur succédera la désintégration de la moitié de l'humanité ou davantage, si les masses n'agissent pas avant.
Sommet de l'exploitation de l'homme par l'homme, guerre de classes permanente et légale, le capitalisme révèle militairement, de la manière la plus indéniable et la plus terrifiante, sa complète caducité en tant que système et son incompatibilité avec les nécessités immédiates et les aspirations des hommes. Dans les instruments de guerre, dont la capacité meurtrière s'étend bien au-delà des hommes et des primates, jusqu'à la vie organique rudimentaire, s'hypostasie la forme capitaliste des instruments de production, qui, en imprégnant les relations sociales en général, étouffe petit à petit l'humanité, même en supposant que la paix dure indéfiniment. La solution au dilemme est urgente : en finir avec la société actuelle ou dégénérer.
Dans de telles conditions, les congrès ou mouvements "pour la paix" animés par les représentants ou des amis de l'un ou l'autre bloc sont en réalité marchandise de guerre, sinon un enrégimentement direct de la classe ouvrière. L'internationalisme prolétarien réclame l'action simultanée contre le bloc américain et le bloc russe, non en faveur de la paix entre eux, statu quo réactionnaire, mais contre leurs structures capitalistes respectives, source de leur rivalité pour l'exploitation hégémonique du monde. Et cette tâche devient impraticable sans mettre au pilori, dans les assemblées et la presse révolutionnaire de tous les pays, dans les usines mêmes, les serre-files des deux principales armées impérialistes. Le défaitisme révolutionnaire n'est pas périmé comme le prétendent certains novateurs qui avancent à reculons ; bien au contraire, sa nécessité se fait sentir en pleine paix, et déborde jusqu'au domaine économique. Le principal ennemi continue toujours d'être dans notre propre pays, mais dans presque tous on peut et on doit frapper aussi les commis de l'impérialisme extérieur.
Face à l'équilibre de la terreur, il devient urgent de postuler le droit des travailleurs de tous les pays - droit élémentaire de conservation de la vie, hors duquel tout autre droit devient une dérision - de réclamer et mettre à exécution le démantèlement de toutes les usines et industries de guerre, atomiques ou classiques de dissoudre les armées et d'effacer les frontières.
Le prolétariat américain pourrait contribuer décisivement à créer un mouvement mondial dans ce sens, tout en ouvrant une brèche dans le totalitarisme, qui enchaîne l'action possible des travailleurs russes, chinois, etc. Mais il est indispensable que sa partie la plus consciente commence par condamner sans équivoque son propre impérialisme, et qu'elle entreprenne avec ardeur cette tâche. Ainsi les révolutionnaires seraient partout en meilleure position pour organiser la fraternisation avec le prolétariat de l'autre bloc, en forçant, si nécessaire, - et ce le sera- le cordon policier.


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