VIII. LES TACHES DE NOTRE
ÉPOQUE
Organisation de l'action de la classe ouvrière, directe et indépendante de tout syndicat, avec les devises générales détaillées ci-après :
A) MOINS DE TRAVAIL ET
PLUS DE PAIE.
1° Suppression du travail
à la pièce et du salaire de base qui le stimule, en les remplaçant par un
travail à la semaine, à la journée, etc.
2° Réduction de la semaine
de travail à 30 heures (premier pas), sans aucune diminution de salaire auquel
doivent être incorporées les primes, indemnités, heures supplémentaires, etc.,
bref, tout ce qui constitue, dissimule ou éperonne le travail à la pièce.
3° Suppression des
chronométrages et contrôles qui intensifient l'exploitation, étouffent
l'ouvrier et rabaissent sa dignité personnelle. Les intéressés dans chaque
entreprise ou branche de la production sont seuls qualifiés pour déterminer le
rythme du travail.
4° Toute augmentation de
la production (sa valeur actuellement) qu'elle provienne d'un plus grand
rendement de l'ouvrier ou d'un perfectionnement technique, doit revenir
collectivement aux ouvriers qui en sont les auteurs, en attendant que la classe
tout entière décide de sa répartition. C'est là la manière de mettre une limite
à l'accumulation du capital, chaque jour plus écrasante, et de hausser véritablement
le niveau de vie des exploités.
5° Travail pour tous,
chômeurs et jeunes, et diminution des heures ouvrables proportionnellement au
nombre d'ouvriers et au perfectionnement de l'outillage. Il s'agit d'une
solidarité de classe qui entraînera d'excellentes conséquences, ainsi que d'un
droit au travail qui implique en contrepartie le suprême "droit à la
paresse", aujourd'hui inexistant malgré les vacances, simple détente
physique semblable aux heures de sommeil.
6° Dénonciation des
conventions collectives non établies directement avec l'entreprise par les
travailleurs et approuvées par ces derniers.
7° Distribution gratuite,
aux couches sociales les plus pauvres, des vivres et articles de consommation
stockés comme "excédents de production", distribution effectuée dans
le pays même ou dans tout autre, sans distinction de bloc.
A l'action indépendante
pour la défense des libertés élémentaires doit présider la devise :
B) DROIT DE PAROLE, D'ORGANISATION ET DE GRÈVE AU PROLÉTARIAT.
Ces droits sont confisqués
par les partis et leurs organisations syndicales qui sont devenues inséparables
du capitalisme décadent. Dans les usines, les accords syndicats-patronat ont
supprimé la liberté individuelle, aussi bien que la liberté collective des
ouvriers, et tout particulièrement celle des révolutionnaires, si bien qu'en de
nombreux lieux ils peuvent être congédiés légalement pour avoir parlé de
politique, pour avoir distribué de la propagande, ou s'être concertés à quelque
fin que ce soit. Il devient donc indispensable de revendiquer :
1° La liberté politique,
de parole et de distribution de la presse, des tracts, etc., sur les lieux de
travail, comme la liberté de réunion sur les mêmes lieux quand l'autodéfense
des ouvriers le requiert.
2° La récusation de tout
règlement intérieur d'entreprise dicté par le patron "bourgeois" ou
l'État, ou par celui-ci et les syndicats conjointement. Dans chaque entreprise
ou dans chaque profession, les travailleurs eux-mêmes, par l'entremise de
délégués élus à cette fin, doivent seuls détenir, à l'exclusion de tous autres,
la puissance d'établir le règlement intérieur. Son approbation en assemblée
générale est une indispensable mesure de précaution.
3° La souveraineté
exclusive et illimitée des travailleurs, sans qu'il soit besoin d'aucune
caution syndicale ou gouvernementale, pour entreprendre la grève économique et
politique.
4° Le droit de parole et
de vote à tous les intéressés, en dehors de toute affiliation syndicale ou
politique, pour établir les revendications de chaque grève, le moment du
déclenchement et la fin de celle-ci, et pour résoudre tous les problèmes qui
s'y rapportent.
5° Le droit d'élire
directement, sans aucune formalité syndicale ou judiciaire, des délégués
permanents d'atelier, usine, profession, etc., pour représenter les
travailleurs face à la direction.
6° Le droit de se
concerter face à toute éventualité et à n'importe quel moment, par
l'intermédiaire des susdits délégués, avec les travailleurs d'autres industries
ou activités, partout dans le pays et internationalement.
Une telle direction doit
favoriser pour le prolétariat la récupération et l'accroissement de sa liberté
d'expression et d'action, aujourd'hui supprimée dans la plupart des pays, ou
transformée, dans les moins dictatoriaux, en un monopole des partis et
syndicats, qui constituent en réalité la structure légale de l'exploitation du
travail par le capital. Dans des pays comme la Russie, la Chine et leurs
imitateurs, il faut commencer par se battre contre l'ignominie des amendes, des
mesures policières ou juridiques pour les retards ou l'absence au travail,
contre l'avilissant "carnet de travail", et pour le droit de parole
et d'organisation des masses face au parti dictateur. Sans une lutte hardie
pour ces revendications, le prolétariat continuera à perdre du terrain face au
capital et à accroître la capacité oppressive de celui-ci.
Les revendications
immédiates minima énumérées ci-dessus pourront jouer un rôle très important
dans le renouvellement de l'activité prolétarienne dans le monde entier sans distinction
de pays arriérés ou avancés. Cependant, comme il ne peut s'agir en aucun cas
d'améliorer ou de développer l'économie fondée sur le
"capital-salariat", mais d'en finir avec elle, il est indispensable
de les lier sans solution de continuité aux mesures suprêmes de la révolution
prolétarienne mondiale, sans perdre de vue que dans certains cas, il deviendra
possible de commencer directement par celles-ci :
C) A BAS LE CAPITAL ET LE TRAVAIL SALARIÉ.
1° Le pouvoir politique
aux travailleurs, qui l'exerceront par l'entremise de comités démocratiquement
désignés et révocables à chaque instant.
2° Expropriation du
capital industriel, financier et agricole, non point par l'État, les syndicats
ou toute autre institution, ce qui donnerait lieu, comme en Russie, à un
capitalisme encore plus brutal, mais par l'ensemble de la classe ouvrière.
3° Gestion ouvrière de la
production et de la distribution des produits, ce qui est inséparable d'une
planification exclusivement dictée par les nécessités de la disparition des
classes.
4° Destruction de tous les
instruments de guerre, atomiques aussi bien que classiques, dissolution des
armées, des polices, reconversion des industries de guerre en production de
consommation.
5° Armement individuel des
exploités sous le capitalisme, territorialement organisé, selon le schéma des
comités démocratiques de gestion et de distribution. C'est là une des
meilleures garanties que la transformation sociale puisse trouver.
6° Incorporation aux
activités utiles de toutes les couches de la population qui aujourd'hui
réalisent des travaux parasitaires ou nettement préjudiciables : cela
permettra, en se servant au maximum de la technique et de la science moderne,
et au minimum de l'effort humain, d'augmenter continuellement la production tout
en réduisant le temps de travail qui lui est consacrée. C'est aussi le moyen de
surmonter la division aujourd'hui imposée, entre travail manuel et travail
intellectuel.
7° Suppression du travail
salarié, en commençant par élever le niveau de vie des couches sociales les
plus pauvres pour atteindre finalement la libre distribution des produits selon
les besoins de chacun. Il n'y a pas et il ne peut pas y avoir d'autre preuve de
la transformation du capitalisme en socialisme et de la disparition des classes.
8° Suppression des
frontières et constitution d'un seul gouvernement et d'une seule économie, au
fur et à mesure de la victoire du prolétariat dans les divers pays.
Enfin, il est impératif de
préciser que la transformation du capitalisme en communisme, la dictature du
prolétariat, est un concept sociologique marxiste inséparable de la plus large
démocratie au sein des masses travailleuses, elles-mêmes en processus de
disparition en tant que classe. "L'émancipation des travailleurs sera
l'œuvre des travailleurs eux-mêmes." Lui tournent le dos ceux qui
l'identifient à la dictature d'un parti ou même de plusieurs, à la manière de
la dictature capitaliste dite "démocratie parlementaire". Seule la
disparition de la loi mercantile de la valeur, basée tout entière sur le
travail salarié, amènera l'extinction de l'État. Faute de s'orienter vers cette
disparition dès les premiers jours de la révolution, l'État se transforme
rapidement en organisateur de la contre-révolution.
Les conditions objectives
pour la réalisation du communisme telles que l'histoire pouvait les créer, sont
présentes et mûres, à l'excès, à l'échelle mondiale. Mais c'est seulement sur
les ailes de la subjectivité révolutionnaire que l'homme franchira la distance
du règne de la nécessité au règne de la liberté.
PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS, SUPPRIMEZ LES ARMÉES, LES POLICES, LA PRODUCTION DE GUERRE, LES FRONTIÈRES, LE TRAVAIL SALARIÉ!
Milan, 1961
Fomento Obrero Revolucionario (Nùcleo M).
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